« Jeanne Garraud et Presque oui: duo de dentelle, vraie magie
La Lyonnaise et le Lillois réunis par Bordeaux Chanson pour la première de la série « Improbables duos » se sont produits vendredi soir sur la scène de l’Inox. Un petit bijou d’équilibre et de délicatesse
©Photos Y.D.
A quoi tient la magie d’un concert? A l’énergie parfois, de l’artiste ou de ses chansons. A la personnalité de l’interprète, son humour, sa faconde, son impudeur. Dans le cas des 90 minutes de fine dentelle tissée par Thibaud Defever (auteur-compositeur interprète de Presque oui) et Jeanne Garraud, on évoquera le fil ténu entre le trop sucré et le trop étrange sur lequel les deux jeunes artistes ont marché, doux sourire aux lèvres, pour un concert à la délicatesse difficilement oubliable.
Lui derrière sa guitare dont avec fluidité il use mais jamais n’abuse. Elle derrière un clavier-machine posé sur une table à repasser. Quelques mois pour y penser, échanger. Quelques jours pour ensemble le spectacle travailler. Dès les premières notes, les premiers mots, on se dit que le mot « improbable » dans le concept initié est un peu fort. Ces deux-là ont en commun une finesse d’écriture, un sens de la mélodie, une approche impressionniste ou ironique des sujets. Pas vraiment Iggy Pop et André Rieux, quoi.
La soirée commençait par « On saura pas », que Presque oui interprète sur scène depuis un moment déjà, et qui sera sur le prochain album à venir cette année. Chanson de couple en devenir, d’histoire qui commence. Pile-poil pour ces deux tourtereaux d’un soir. Puis « Le bonheur »,, signé Garraud. La vraie-fausse évanescence (« Un dimanche indécis ») de l’un, le piquant sensible (« A part l’amour ») de l’autre: le duo se formait sous nos yeux mais semblait rôdé, mises à part les hésitations inhérentes à un premier cru, rares finalement.
Progressivement, ils parvenaient à installer un climat fait de charme, de mots ciselés, de mélodies fluides dans un registre doux-amer. Fragile mais précieux. Ils exhumaient « Oscar et Irma », popularisé jadis par Christine Sèvres. La pianiste emmenait le guitariste chez « Irène », très jolie variation sur l’oubli subi. Le gratteur de cordes sensibles emmenait la jeune fille aux jolies touches dans ses « Ombres chinoises », dans son « Charabia ».
Nombreuses étaient les nouvelles chansons, de part et d’autre. Encore plus difficile de distinguer celles de la Jeanne, celles du Thibaud. Ce soir-là, on s’en foutait royalement, on voulait juste rester avec ces deux-là dans le « Rocking chair », avec Steffen et Uwe du livre de 6e, allemand première langue. Et se dire que « Tout va bien » en sachant que ce n’est pas vrai. Mais la bulle dans laquelle nous ont emmenés Jeanne Garraud et Presque oui semblait protégée de tous les frimas. Très belle illusion. »
Yannick Delneste